Je lui ressemble
C'est indéniable. Au fur et à mesure que les années passent, je lui ressemble.
C'est désormais inscrit sur mon visage : je suis "belle" et bien sa fille.
Oui. "Belle" parce que c'est exactement comme elle était.
(Et non, ce n'est pas ce que je prétends être).
Toute mon enfance, j'ai entendu "qu'elle est belle, ta maman". Toute mon enfance, la statue du commandeur avait, d'une certaine manière, pris le visage grave et regulier de ma mère. Son chignon blond et ses mélancoliques yeux verts. Son profil parfait de ballerine du Bolchoï. Les yeux des adultes pétillaient pour elle et son port gracieux. Il m'était impossible de lui arriver à la cheville, impossible d'arriver à son degré de féminité.
Je restais "le portrait craché de mon père", l'homme respectable mais qu'on n'aurait dit beau.
Aujourd'hui à 33 ans, alors qu'elle et moi sommes au même age; elle dans mes souvenirs et moi dans la glace, les traits de nos deux visages se rapprochent inexorablement, de plus en plus et de mieux en mieux.
Mes cheveux sont rassemblés dans un chignon. Mais le mien est moins travaillé, bien sur.
Je fais la même taille qu'elle. Mais nos gardes robes n'ont rien à voir.
J'ai la même bouche. Mais la mienne sourit.