patiente - pas chiante
La salle d'attente n'est jamais pleine. Mais on y reste un long moment. Il arrive et ouvre la porte dans un geste presque théâtral et fixe du regard une patiente en silence. D'un consentement muet, elle se lève et le suit. Jusqu'à la prochaine, dans 25-30 minutes, il ne se passera plus rien d'autre qu'un silencieux ballet d'allées et venues entre porte d'entrée et toilettes, les sièges grinçants de cette salle d'attente rythmant ce défilé exclusivement féminin.
C'est le moment de ressasser les éventuelles questions, interrogations, les formuler le plus succintement possible, le plus complètement possible. Ne pas perdre de temps, ne pas s'épancher en considérations personnelles. Il n'est pas psy, après tout.
Il peut être 8h du matin. Ou alors 20h, au moment où les familles passent douillettement à table en écoutant Claire Chazal, et il est encore là, imperturbable, à examiner nos résultats d'analyse, surveiller la croissance de nos foetus, vérifier la bonne remise en forme d'une patiente post-op.
Iimperturbable, inébranlable, solide et épuisé. Pince sans rire et sans concession.
Il a sans doute l'age de mon père, et apparemment toujours le goût de son métier.
Alors, parce que je sais aussi que les médecins ont le droit de se reposer, que leurs têtes ne sont pas les récipients de nos angoisses, qu'ils sont faillibles et imparfaits, j'essaye d'être concise et ... à l'écoute.
A l'écoute de ses épanchements et de ses râleries, je le laisse me raconter cette patiente qui a appelé en urgence mais n'est jamais venue. Ou cette autre, envoyée par une consoeur pour faire des rayons, et dont le conjoint déclare à l'issue de la séance "c'est bête, j'ai oublié mon carnet de chèques"...
Moi je vais bien, ni surpoids ni hypertension, des grossesses simples et sans histoire, ni diabète ni facteur de risque.
J'essaye d'être la patiente pas chiante, parce que je n'ai pas de raison de l'être...