Grand messe
Tous les matins ici, c’est comme ça. Les gens arrivent à l’heure ou le trafic routier leur permet, se garent tranquillement sur le bitume tout neuf et bien sombre, rentrent dans le batiment ou les tapis de l’entrée sentent le pneu neuf et rejoignent, via l’escalier rectiligne, un bureau moquetté au calme tout administratif.
Les ordinateurs s’allument dans un cliquetis maitrisé, les papiers attendent sagement qu’une main leur fasse un sort sur un coin de bureau. Les vestes sagement posées sur un porte-manteau anonyme en plastique noir de bureau, il est l’heure d’assister à la grand messe.
Dans le couloir, jaune dallé de gris, l’autel attend sa foule. Pas de prêtre ici, la grand messe du café du matin est totalement démocratique. Chefaillon ou simple employé, chacun tient en main son gobelet en plastique, communion autour des sujets du jour : réunion ci ou dossier ça, petits groupes se saluent et se croisent dans la quiétude douillette de cette World Company.
Anodin, me direz vous, mais ces dernières années j’ai évolué dans des bureaux un peu atypiques, loin de ce calme, luxe et volupté propres au secteur privé en insolente santé.
Le breuvage avalé, il est temps de checker ses mails sur un ordinateur qui fonctionne toujours, stocker des données sur des serveurs qui n’explosent jamais, de photocopier tel dossier sur une machine flambant neuve et insolente de technique.
Les salles de réunion sont totalement équipées d’appareils opulents, les vitres sont propres et les stores impeccables, les murs blancs sans tache et le tissu des fauteuils ne connaît pas l’usure.
Mes doigts sentent le café, parfum amer un peu écœurant en tapant ce texte. Retour à un monde du travail typiquement hémisphère nord, bureaux luxueux et nonchalance des ingénieurs.
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