On ne vit que trois fois, environ
Et pas vraiment plus, en fin de compte. Au delà, on tombe dans les limbes, le flou historique et on ne s'appartient plus vraiment. On s'inscrit dans une dimension historique qui nous échappe, on tombe dans le domaine public pour figurer dans les livres d'histoire, sans doute, au chapitre "société" d'un temps désormais révolu.
Conjuguer sa propre vie en la projetant au delà de notre existence terrestre, voila qui nous fait vivre un peu plus mais pas tellement. Bien sur, les croyants iront plus loin dans le raisonnement, peut être.
On ne vit que trois fois. Une première fois tout d'abord, de l'existence charnelle et terrestre qu'on aura. Sortis d'un ventre maternel en criant la vie, on entame une existence. Bonne ou mauvaise, chanceuse ou pas. Peu importe ici. Les liens que l'on tissera nous ancreront dans l'autre, quelque part, et tant que notre empreinte vit en l'autre, alors nous sommes toujours là.
Trois fois, environ, parce que s'inscrire dans une dimension familiale, cette fois, c'est subsister à ce rythme. C'est vivre au delà de soi, dans ce qu'on lègue à son enfant, et puis plus tard, et un peu dilué, à son petit enfant. Au delà, cela se perd même si une infime partie de nous reste encore un peu, bâtit une famille.
A de jeunes enfants qui venaient de perdre leur père, une amie de la famille disait "faites le vivre à travers vous", et c'était bien cela - outre les ressemblances physiques, la vie du parent se prolonge, dans celle de l'enfant. Dans les gestes, les manières, les souvenirs l'héritage est bien vivace.
Alors on vit trois fois, environ, et puis les générations s'emballent et discréditent ces aïeux trop loin placés sur l'arbre généalogique pour qu'il en reste vraiment quelque chose.
Ces photos de famille ou plus personne ne reconnait ceux qui, jadis, ont généreusement posé. Trois fois, pas vraiment plus, avant d'être vraiment oublié.
Simple constat, je vivrai sans doute au moins deux fois, et en moi comme en chacun de nous - vivent encore les défunts.
Et tant qu'un coeur bat, il en héberge d'autres, plus ou moins fanés, plus ou moins lointains.