Le lait et les louves
J’avais promis à Telle un billet sur le sujet … Parce qu’après son « stupéfiant stupéfiant », il ne pouvait en être autrement.
Près de moi ce matin, un lange souillé de bave et de régurgitations. Oui, un lange tout sale et tout doux à la fois.
Il traîne dans mon sac à main depuis quelques jours déjà, petit fétiche honteux qui me relie, comme un cordon ombilical, à cette vie de maman que je laisse derrière moi le temps d’une journée de travail. Parfois, discrètement, je le porte à mon nez, pour retrouver quelques fragments de l’odeur de mon tout petit, laissé à une autre pour que je redevienne une salariée.
Ce grand sac à main abrite d’autres grigris, comme une petite réserve de lait en poudre dans laquelle je trempe un doigt, à l’occasion, et je sens rouler sur ma langue les petites paillettes au goût douceâtre.
Ce n’est pas tout à fait le même lait que celui qui coule parfois à des moments imprévus, celui qui nourrit mon enfant depuis ses premières heures. Parfois, je recueille une goutte égarée sur mon doigt, et à défaut de l’essuyer sur le premier textile venu, je la porte à ma bouche.
Geste un peu dégoûtant, un peu animal, comme celui de la maman louve qui lèche ses petits à la naissance.
Geste un peu instinctif que celui de porter la bouche de son enfant à son sein pour lui donner ce qu’on estime de meilleur.
Instinct animal, encore, que d’ignorer l’odeur parfois désagréable des selles d’un tout petit nourri de sa mère. Pour moi, le caca du nourrisson ne sent rien. Pour son père, l’odeur est abominable.
Pour moi, le lait caillé qui s’effrite en croûtes sèches sur mes vêtements est l’odeur de mon enfant.
Je n’ai même pas trouvé dégoûtant le placenta qui s’accrochait à ses cheveux, à sa naissance.
En devenant maman, nous devenons des louves. On nous enlève des tripes ce petit humain pour qu'il démarre sa vie, seul, et on nous insuffle cet instinct animal. Pour la vie.
Si nous ne nourrissons pas toutes nos enfants de notre sein, la louve reste là - tapie en chacune de nous.
Et parce que c'est de circonstance, j'ai une pensée particulière avec ce post pour Marie...