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Sécotine and so on
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17 juillet 2008

Ciao, Monsieur N.


Découvrez Léo Delibes!

Encore un de plus dans la rubrique nécrologique, décidément c'est une manie chez moi.

83 ans, c'est un bel age pour mourir.

Mr. N. possédait le plus bel atelier en ville, certainement un des secrets les mieux gardés de cette petite rue à quelques pas du centre ville. La devanture rappelle un peu les ateliers des années 50, peinture grise écaillée et verre dépoli... Le lino gris du rez de chaussée a vu défiler tant de monde. Les meubles d'exposition, en bois fatigué, noircis autour des poignées, feraient, feront la joie des brocanteurs et déchaineraient les passions des bobos. Les vitrines vieillotes, en bois clair verni brillant accueillent les bébés de la maison.

Les gants. Les gants de Monsieur N. ont habillé les mains des plus grandes actrices, et oui oui, ils étaient fabriqués ici, dans le petit atelier. Monsieur N, juché sur son tabouret "vous comprenez avec mes problèmes de dos" travaillait les peaux à la main, usant ses grands ciseaux avant d'utiliser l'emporte pièce. Ecoutait la radio, l'air éternellement bienveillant derrière ses grosses lunettes, ses grands yeux bleus fatigués et son sourire toujours un peu dessiné.

Derrière lui, des peaux, encore des peaux emmaillotées dans des sacs plastiques, des chutes de petits bouts de cuir tapissant le sol, et tous les outils du gantier à portée de main. Tellement obsolète, tellement hors du monde.

Oui, à 83 ans, lorsqu'on est le dernier, on fabrique encore des gants. On ne prend pas sa retraite. Et la fidèle couturière de Monsieur N. en haut, pique et pique et coud les jointures et coud les doublures. Un geste si minutieux et si précis, réalisé pendant tant d'années.

Lorsqu'on est le dernier, visiter l'atelier de Monsieur N. est un privilège immense, toucher un peu cet art qui se finira avec lui. A chaque visite, on se dit "et si..."
Et si c'était la dernière ?

Avec Monsieur N. s'éteint le dernier, le tout dernier gantier. Il emporte avec lui tout un monde, toute une industrie éteinte, tout un art. C'est désormais fini et révolu. Un peu comme lorsque le dernier poilu meurt, c'est une partie de notre mémoire qui s'allume au profit de la vie qui s'éteint.

Ciao Monsieur N., ce fut un honneur de croiser votre chemin. 

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Commentaires
M
J'ajoute un truc perso : dans le même esprit que le coup des fraises il y a quelques semaines, j'ai failli intégrer l'air des fleurs de Lakmé dans un de mes posts il y a peu... Limite flippant quand même !
M
Très bel hommage... (trouveras-tu la différence - car il y en a une- avec le commentaire de mme tbl ci-dessus ?)... Ben oui, mais c'est difficile de commenter quand il n'y a rien à ajouter à de si justes mots !
M
bel hommage
A
En bonne ancienne grenobloise, j'essaie de trouver ou était ce fameux mr N mais je ne vois pas pourtant j'ai passé des heures à flaner dans les rues et à m'attarder devant ce genre de petits commerces. Mais comme je n'y habite plus, j'oublie hélas pas mal de belles choses que j'avais pu voir. En tout cas trés beau billet et trés bel hommage.
R
Tu m'avais parlé de ce monsieur N. et même transmis ses coordonnées, alors que je planchais sur mon dossier sur les savoir-faire d'exception. Il fut à l'origine de l'un de nos premiers échanges amicaux... C'est étonnant, sa disparition survient au moment même où se crée à Grenoble l'Institut pour la promotion et l'innovation du métier du gant.
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