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Sécotine and so on
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14 juin 2011

Where I belong, le long de la route laide

Il y a des années, j'avais pris cette route. Elle allait de la ville ou j'étudiais jusqu'à chez mes parents. Ce n'était pas celle que je prenais habituellement. Mais ce vendredi soir là, j'avais essayé.

Cette nationale un peu tordue m'avait semblé lugubre, glauque, ces traversées de village sombres et inhospitalières. J'avançais vite sur la route, pour mieux la quitter et ne plus jamais la ré-emprunter. Sa cousine, sur l'autre versant de la vallée, offrait un paysage bien plus riant pour le même prix et le même itinéraire.

Beurk. Non, c'étiat bien fini, celle là, je ne voulais plus en entendre parler.

Alors je lui préférais celle coté Chartreuse, bien plus mignonne, agréable avec ces vergers printaniers et ses hameaux léchés. Dans un sens comme dans l'autre, je la connaissais par coeur.  Dans ma tête d'étudiante, je me disais qu'habiter cette vallée n'était sans doute pas désagréable.
Prémonition.

Des années plus tard, c'est à dire ce soir, je me suis retrouvée sur la route laide. Pour une énième fois. Elle me conduit chez mes amis. Ceux qui me prêtent leur jardin, plus grand que le mien, plus en friche que le mien, pour quelques expériences de jardin. Ce soir, j'ai regardé Chartreuse depuis l'autre versant de la vallée. Une fois encore, j'étais au volant d'une voiture bien plus moderne que celle que je conduisais il y a 15 ans. Ce soir j'ai souri, en me disant que oui, j'avais creusé mon trou dans cette vallée, sur son versant moins hospitalier et plus sombre, celui que j'avais détesté. Ce soir, je connaissais par coeur cette route plus laide qui me conduisait chez ces amis.
Des amis, ici, dans ce village disloqué qui se traine à n'en plus finir sur des kilomètres, bien loin des coquets vergers.
D'autres amis, dans le village d'après, pas plus pimpant avec ses maisons en pierre noire agglutinées sur le bord de la nationale souillée de gaz d'échappement.

Les façades ne sont pas proprettes, les rues tortueuses et le patrimoine mal entretenu ou peu mis en valeur. Mais j'apprends à aimer cet endroit, parce que c'est là que je vis. Parce que cet abandon est plus que souvent touchant, les rideaux sales masquant la vitrine obsolète d'une autrefois supérette "l'étoile des alpes". Le centre culturel érigé du temps de Malraux, et cette vieille fierté ouvrière encore présente - même si les usines ne sont plus que souvenirs, et les chomeurs légion. La poésie est un peu plus cachée, moins évidente que sur les maisons de maitre aux crépis tout neufs.

Mon histoire ici, le long de la route laide se construit jour après jour, lon y tisse notre vie et on s'y fait des amis. Les anciens du village n'arrivent pas à croire que cela fait déjà cinq ans qu'on est là. Eh ben mon vieux...

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Commentaires
A
L'authenticité se cache souvent derrière la laideur mais se révèle à ceux qui veulent vraiment la voir...
C
En lisant votre texte, j'ai cru reconnaitre la vallée de la Romanche, qui est au premier abord peu accueillante, mais agréable à vivre quand on décide de s'y installer !
N
Joliment troussé, comme le billet précédent... Même s'il fait froid dans le dos et frémir par ce qu'on y lit entre les lignes pour un entraineur lancé dans un combat perso.
A
La route laide! Effectivement il y en a tellement mais quand on y est né on ne la voit plus laide! C'est ce que je vois avec mon conjoint et son Isere et moi et ma Loire!
M
Ton titre est sublime oui sublime<br /> et ton texte n'est pas en reste
Sécotine and so on
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