Communauté
C’était un petit village. Une petite communauté de vie. Quelques familles, qui avaient choisi bon gré mal gré la vie rurale.
C’était une petite école maternelle, logée dans un Algeco. Installée là il y a des années en vitesse, le préfa avait vécu. La mairie avait investi dans un nouveau bâtiment en dur. Très joli, spacieux pour accueillir les enfants. La nouvelle école avait poussé dans un champ, dominant le village. Juste derrière la clôture de la cour de la maternelle flambant neuve, les vaches paissaient – imperturbables.
Parce que c’était un petit village et une petite école, le maire avait fait passer un petit papillon dans les boites aux lettres de ses administrés.
On aurait besoin de bras, de cartons, et d’huile de coude, pour déménager l’école. Toutes les bonnes volontés étaient les bienvenues, samedi matin dès 9h.
Alors les papas artisans avaient prêté les camions utilitaires. Les mamans aidaient à charger. Même les enfants, les plus grands, étaient là pour donner un coup de main. Alors les breaks familiaux se sont chargés de cartons intitulés « matériel peinture » « livres bibliothèque ». On a pris des photos. On a démonté les portes manteaux.
Le camion du maçon, celui du charpentier et celui du plombier se sont remplis de petites tables de classe aux couleurs vives.
Les parents sont venus déménager l’école. La petite communauté du petit village a retroussé ses manches, donné son samedi matin pour que les petits puissent retrouver leurs affaires dès la fin des vacances de Pâques.
Alors que mes voisines rangeaient les livres dans la salle de motricité, je m’extasiais sur la beauté de la nouvelle école, du confort dont allaient bénéficier mes enfants. Nos enfants. Ceux de cette petite communauté, rare, précieuse. Celle pour laquelle on se bat tous les jours un peu. Non, une classe ne peut pas fermer. Oui c’est bien qu’une nouvelle famille vienne s’installer ici. Dommage, on va raser les vignes pour construire – mais ça amènera des enfants pour l’école. Ca agrandira un peu la communauté. Pour qu’elle perdure. Pour qu’on continue à partager ces valeurs là.
Une fois le plus gros du déménagement fait, et alors que les papas sécurisaient les abords du ruisseau voisin, une table fut montée dans la cour de récréation. On a sorti quelques bouteilles, coupé des tranches de saucisson, les enfants ont grappillé des chips.
On s’est félicité d’avoir posé nos valises ici, d’avoir planté nos racines juste là. Parce qu’elle est toute petite, cette communauté du village est rare, précieuse.