Omn-i-kéa
il y a peu de temps, une grande enseigne suédoise jaune et bleue a ouvert ses portes dans mon agglomération. Longtemps attendue, son ouverture allait faciliter la vie d'un grand nombre de personnes... Inutile désormais de poser une journée de congés pour se rendre dans la grande métropole voisine, sa triste banlieue faite de centres commerciaux vieillissants, et consommer du suédois au gout de rareté.
Non, désormais, nous aussi, on aurait nos bibliothèques Billy et des boulettes à la sauce sucrée. Skal !
Ce qui fut dit fut fait. Le grand batiment bleu poussa rapidement ("le plus grand d'Europe") et son ouverture provoqua un affolement médiatique local digne d'un mini tsunami. Pire encore, les langues se délièrent bien plus lorsque les quatre lettres de l'enseigne furent imprimées un temps sur notre bon vieux téléphérique, donnant de faux airs nordiques mais de vrais airs de deal commercial au rabais à l'emblème de notre ville alpine.
Désormais, lorsqu'on prend un peu d'altitude (et Dieu sait que c'est facile, ici), ce n'est plus systématiquement aux gros batiments bleu et gris du fabricant de composant électroniques qu'on se situe dans la vallée, mais en repérant d'abord le pâté bleu flashy tronant près du campus.
Oui, tout le monde va désormais faire ses courses là bas, plus un seul jeune couple n'est exonéré d'une installation aux intonations viking, du balai à chiottes made in China aux meubles de cuisine, les étudiants s'y rendent avec le tram, bref, l'enseigne fait désormais partie du paysage. Que celui qui n'a pas son fauteuil Poang me jette la première pierre.
Toutefois, si l'installation de l'enseigne omniprésente nous propulse dans une dimension soit-disant plus large et nous fait grimper, comme l'équipe de foot locale, au rang de ligue 1 des villes de France, je trouve que notre parfum de province s'en va un peu.
Oui, autrefois, avant la mondialisation, on pouvait changer de région, de ville, de pays et être dépaysé par l'entourage commercial qu'on trouvait sur place. Aller dans une grande ville, ça voulait dire trouver du shopping un peu inédit. Aller à l'étranger, c'était l'assurance de rapporter des petites choses qu'on ne trouverait pas forcément chez nous. Un court séjour barcelonais m'a donné du fil à retordre pour éviter les enseignes qu'on pouvait trouver chez moi. Même Zadig et Voltaire s'est installé ici.
Alors certes, cela n'est pas vrai pour tout, mais la mondialisation a fait du mal à mon exotisme...
Désormais, vivre "local", c'est vivre "bobo", en fin de compte. Internet se charge de faire le reste pour nous rapprocher du monde.
Et c'est un peu, c'est très dommage, parfois.
Post écrit en direct de mon canapé Ektorp, un classique indémodable.